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« Brèves douanières » au 29 août 2024 : jurisprudences (hors visite douanière)

Transport - Douane
30/08/2024
Les décisions de justice « en bref » diffusées depuis le 24 juin 2024 et non traitées par ailleurs « dans ces colonnes ».
RTC délivré à des tiers
 
Même si elle ne vise pas les dispositions du CDU sur l’invocabilité des RTC, signalons une décision de la Cour de justice de l’UE sur ce sujet. Selon cette juridiction, si des RTC délivrés par la Douane d’un État membre ou celle d’autres États membres classent ou confirment le classement des marchandises retenu par un opérateur, ces RTC, parce qu’ils ne lui ont pas été adressés, ne sauraient être considérés comme lui ayant fourni des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, susceptibles de faire naître une confiance légitime dans le chef de celui-ci quant au bien-fondé d’un tel classement. Aussi, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime permettent à la Douane de l’État membre de cet opérateur de procéder au recouvrement des droits et taxes impayés dus par lui au titre du classement erroné, selon cette administration, même si des RTC délivrés à d’autres opérateurs, par cette administration et par les autorités douanières d’autres États membres, ne se sont pas écartées d’un tel classement tarifaire (CJUE, 27 juin 2024, n° C‑168/23, Prysmian Cabluri şi Sisteme c/ Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Craiova – Direcţia Regională Vamală Craiova, points 45 et 46). 
 
 
Délai pour le dépôt d’une demande de remboursement des droits en raison d’un montant excessif : pas de lien avec l’invalidation ni donc avec ses conditions de délais
 
Jugé que l’article 117 du CDU (relatif au remboursement ou à la remise de montants excessifs de droits à l'importation ou à l'exportation), pas plus que l’article 116 du même code (qui liste les cas de remboursement/remise dont celui de l’article 117), « n'exige pas de former une demande d'invalidation de la déclaration avant de solliciter le remboursement d'un trop perçu » : le non-respect de la condition de l’article 148 du CDU, AD (relatif à l’invalidation d’une déclaration en douane après octroi de la mainlevée des marchandises) prévoyant un délai de 90 jours à compter de la date d’acceptation de la déclaration pour introduire la demande d’invalidation ne peut donc pas être invoquée par la Douane pour rejeter la demande de remboursement d’un opérateur (CA Chambéry, 18 juin 2024, nº 21/02353, Société d'affrètement et de transit (SAT) c/ Administration des douanes et droits indirects et a.).
 
Sur ce sujet, voir  460-80 Délai pour déposer une demande de remboursement ou de remise des droits – Principe dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Exonération de TVA à l’exportation : envoi postal et preuve par des déclarations CN23 complètes et suffisantes
 
L’article 74 de l’annexe III du CGI prévoit notamment que « Pour les envois de marchandises effectués par La Poste, la preuve de l'exportation est apportée par un exemplaire de la déclaration en douane CN23 ». Une société française explique avoir livré des marchandises à une dame A, domiciliée à Paris, celle-ci se chargeant ensuite de leur exportation par l'envoi de colis postaux à deux sociétés basées à Hong-Kong, dont elle était la représentante. Pour établir la réalité de ces exportations, la société française a présenté à l'administration notamment les CN 23 qui lui ont été transmis par Mme A. Mais l'administration n’a pas retenu ces preuves, ces déclarations CN23 étant, selon elle, incomplètes et insuffisamment probantes : les ventes ont débuté le 11 avril 2016 alors que les déclarations CN 23 ont pour première date le 17 juin 2016 ; des déclarations étaient manquantes ; certaines déclarations mentionnaient comme expéditeur Mme A, d'autres une société établie à la même adresse que Mme A, et d'autres enfin la société requérante ; ces déclarations ne comportaient pas la date et la signature de l'expéditeur, les références des factures concernées ni l'identification du bureau de poste expéditeur ; ces déclarations mentionnent des montants qui ne correspondent pas avec ceux facturés par la société requérante ; aucune pièce ne démontre un lien entre Mme A et les deux sociétés chinoises ; les destinataires mentionnés sur les déclarations CN 23 sont des particuliers et non ces deux sociétés chinoises.
La société avance en vain :
  • que ces mentions ne sont pas une condition d'exonération de la TVA : pour le juge au contraire, « il ressort clairement du modèle de déclaration CN 23 librement accessible sur différents sites publics que celle-ci doit comporter une description détaillée et la valeur de chaque objet expédié » ;
  •  et que l'administration ne pouvait rejeter en bloc l'intégralité de ses ventes réalisées en dehors de l'Union européenne : pour le tribunal, la société devait au contraire « établir à quelle(s) vente(s) correspondait chacune des déclarations CN 23 produites ».
Le juge en conclut que la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de la réalité de l'ensemble de ses exportations (TA Bordeaux, 3e ch., 27 juin 2024, nº 2204686).
 
 
DEE avant 2017 : simple référence aux documents et informations fondant la décision de la Douane
 
Relatif au droit d’être entendu (DEE), l’article 67 A du Code des douanes introduit en 2010 dispose notamment que toute décision prise en application du Code des douanes communautaire et de son règlement d'application d'alors, lorsqu'elle est défavorable ou lorsqu'elle notifie une dette douanière, est « précédée de l'envoi ou de la remise à la personne concernée d'un document par lequel l'administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée ». La Cour de cassation rappelle que la Douane « n'était pas tenue de mentionner, dans les avis de résultat d'enquête, l'intégralité des procès-verbaux qu'elle avait établis au cours du contrôle, ni d'y annexer lesdits procès-verbaux ainsi que les factures d'exportation, les documents de transport et les certificats vétérinaires (…), mais seulement de préciser la référence des documents et informations sur lesquels elle entendait fonder sa décision de notification de la dette douanière » (Cass. com., 10 juill. 2024, nº 22-13.719).
 
Sur ce sujet, voir 1005-5 DEE (2010-2016) : principe de la communication écrite 30 jours en amont dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
DEE avant 2017 : réponse de la Douane aux observations de l'opérateur
 
Dans le cadre du droit d’être entendu (DEE) de l’article 67 A du Code des douanes, à propos de la réponse de la Douane aux observations de l’opérateur, la cour d’appel de Paris a retenu en janvier 2023 que la décision de la Douane « doit être motivée lorsqu'elle rejette les observations du redevable afin de permettre à celui-ci de connaître les justifications de la mesure prise et de faire valoir ses droits » et que « cette motivation peut figurer dans le procès-verbal de constat », ce que contrôle ce juge qui en l'espèce ne trouve aucune réponse apportée aux observations rejetées dans ledit PV, ni aucune autre réponse formulée à ces observations par ailleurs, cette réponse pouvant donc être exposée dans un autre document que le PV (CA Paris, 12 janv. 2023, n° 20/05098, Ministre des finances et des comptes publics c/ Y ; voir « DEE avant 2017 : réponse de la Douane aux observations de l'opérateur dans » dans « Brèves douanières » au 1er février 2023, Actualités du droit, 3 févr. 2023). La Douane a formé un pourvoi contre cette décision arguant qu’« aucun formalisme n'était imposé quant à la réponse à apporter par l'administration des douanes aux observations formulées par le redevable, de sorte qu'une telle réponse pouvait résulter, comme en l'espèce, des motifs de droit et de fait contenus dans le procès-verbal de notification d'infraction (…) justifiant que l'administration des douanes n'entendait pas revenir sur sa décision de recouvrer les droits dus après avoir pris connaissance des observations du redevable visés par ce procès-verbal ». Par cette formule, l’administration se fonde vraisemblablement sur la solution d’un précédent arrêt de la Cour de cassation (Cass. com., 12 mai 2021, nº 19-15.748, écartant toute obligation pour la Douane de répondre « spécifiquement » aux observations). La Cour de cassation suit cette administration en décidant que la cour d’appel aurait dû « rechercher si les éléments figurant dans le procès-verbal de constat notifiant des infractions douanières (…) ne contenaient pas des éléments de réponse contredisant les observations » adressées par l’opérateur (Cass. com., 10 juill. 2024, nº 23-13.201, renvoyant devant la cour d’appel de Paris autrement composée). Autrement dit, il suffirait que des « éléments de réponse » dans le PV contredisent explicitement voire implicitement les observations d’un opérateur pour que le respect du DEE de l’article 67 A soit assuré. Toutefois, selon nous, cela implique d’une part pour l’opérateur un travail d’interprétation (travail sujet à une certaine subjectivité et à erreur) et d’autre part pour les juges du fond une appréciation des faits au cas par cas, les deux pouvant vraisemblablement être évités par une réponse juridique et factuelle point par point aux observations garantissant plus de clarté. Cette solution de la Haute cour tranche d’ailleurs avec une précédente décision dans laquelle elle estimait que le DDE était respecté lorsque la Douane avait « explicitement » rejeté les observations de l’opérateur par courrier et « avait précisément repris les observations de [l’opérateur], motivant en fait et en droit les raisons pour lesquelles elle les rejetait » dans le PV d’infraction (Cass. com., 4 janv. 2023, nº 20-17.332 ; sur cette décision-ci, voir DEE et rejet par la Douane des observations de l’opérateur : quand et comment ?, Actualités du droit, 16 janv. 2023).
 
Sur ce sujet, voir 1005-6 DEE (2010-2016) : réponse de la Douane aux observations de l'opérateur dans Le Lamy Guide des procédures douanières.

Compétence juridictionnelle
 
Une demande indemnitaire en réparation du préjudice causé par une rétention abusive de marchandises par la Douane ayant occasionné une perte de chiffre d’affaires à défaut de pouvoir les exposer au salon de l’agriculture relève des tribunaux de l'ordre judiciaire et non de ceux de l’ordre administratif (TA La Guadeloupe, 10 juill. 2024, nº 2300398, sur le fondement de l’article 357 bis du Code des douanes et de l’article R. 211-3-26 du Code de l’organisation judiciaire).
 
Sur ce sujet, voir  1015-82 Compétence matérielle des tribunaux dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Modulation des peines douanières : interprétation renouvelée pour l'article 369
 
La Cour de cassation confirme, en visant toujours les articles 365 et 369 du Code des douanes et 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, que selon le deuxième de ces textes, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal, qu’il résulte du premier et des trois derniers qu'en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée et, enfin, qu’il se déduit de l'ensemble de ces textes que le juge qui prononce une amende en application de l'article 414 du Code des douanes en répression des infractions de contrebande et d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées, après avoir recherché la valeur de l'objet de fraude et fixé en conséquence les montants minimum et maximum de l'amende encourue, « doit motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient ». Elle censure ainsi l’arrêt d’appel qui, en méconnaissance des textes et du principe rappelés, ne se réfère pour condamner le demandeur au paiement d'une amende douanière solidairement avec trois coprévenus qu’au prix du gramme de cannabis rapporté au poids de la drogue dont la détention a été établie, sans s'expliquer sur la personnalité du prévenu qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision (Cass. crim., 26 juin 2024, nº 23-85.749).

La Cour de cassation rappelle aussi qu’il se déduit de l’article 369 du Code des douanes que le juge, « s'il peut réduire le montant de l'amende douanière encourue, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, ne saurait en dispenser totalement ce dernier » (Cass. crim., 19 juin 2024, nº 23-86.008).
 
Sur ce sujet, voir 1015-88 Modulation des peines (art. 369) dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Caractère législatif d’un article dans le Code des douanes : exemple de l’article 64 B
 
L’article 64 B du Code des douanes, qui dispose que « les documents et informations mentionnés aux articles L. 330-2 à L. 330-4 du code de la route [Ndlr : relatifs à la circulation et à l’état des véhicules] sont communiqués, sur leur demande, aux fonctionnaires des douanes », a un caractère législatif selon le Conseil constitutionnel (Cons. const., 4 juill. 2024, nº 2024-308 L). Pour en justifier, « les sages » retiennent :
  • « d'une part, eu égard à la nature des données auxquelles ces agents peuvent ainsi accéder et à l'ampleur des traitements dont elles peuvent faire l'objet, ces dispositions mettent en cause les règles relatives aux "garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques", placées par l’article 34 de la Constitution dans le domaine de la loi » ;
  • et « d'autre part, en instituant un droit de communication en vue de faciliter la recherche et la constatation d'infractions, ces dispositions figurent au nombre des règles concernant "la procédure pénale" ».
 
Source : Actualités du droit