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Prise en compte des droits de douane suivie de leur communication dans l’ex-CDC : précisions du juge

Transport - Douane
24/06/2024
À propos de la chronologie impérative de la prise en compte puis de la communication des droits de douane dans l’ex-CDC, un arrêt du 19 juin 2024 de la Cour de cassation précise que la réception de l’avis de résultat d’enquête peut constituer cette communication, que le formalisme de la prise en compte est apprécié souverainement par les juges du fond et que des droits antidumping définitifs institués par un règlement renvoyant à la réglementation douanière peuvent relever de ladite chronologie impérative.
Un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 16 décembre 2021 avait retenu que la preuve d'une prise en compte des droits de douane n’était pas rapportée par la Douane et qu’une prise en compte n’était pas antérieure à la communication des droits, et par conséquent que l'avis de mise en recouvrement qui en découlait devait être annulé (voir Prise en compte irrégulière des droits de douane, AMR annulé, Actualités du droit, 23 déc. 2021). Cette administration a formé un pourvoi contre cette décision au motif notamment que « seul » le procès-verbal de notification d'infraction douanière valait communication des droits, « de sorte que c'est cet acte et non l'avis de résultat de contrôle préalable qui devait être précédé d'une prise en compte », la cour d'appel ayant donc – selon l’administration – violé les articles 217 (§ 1) et 221 (§ 1) de l’ex-Code des douanes communautaire (voir ci-dessous). En revanche, pour la Cour de cassation, le moyen de la Douane n’est pas fondé. D’abord, la Haute cour rappelle le principe de la chronologie impérative de prise en compte des droits puis de leur communication.
 
Communication par la réception de l’avis de résultat d’enquête mentionnant le montant de la dette douanière, sa nature et son fait générateur
 
La Cour de cassation donne raison à la cour d’appel d’avoir retenu que, si la Douane a notifié les infractions par un procès-verbal du 20 janvier 2015, « toutefois, dès le 23 octobre 2014, elle a adressé à cette société un avis de résultat de contrôle, reçu le 27 octobre 2014 », qui précise la décomposition du montant des droits et taxes éludés (entre droits antidumping et TVA), et « qu'il résulte de ses termes que cet avis valait communication des droits à régler », au sens de l’article 221 précité, « de sorte que la prise en compte de la dette douanière devait être antérieure au 27 octobre 2014, date de réception de l'avis ». Autrement dit pour la Cour de cassation, ledit avis « permettait au débiteur de connaître le montant de la dette douanière, sa nature et son fait générateur » et donc « valait communication des droits à régler ».
 
Formalisme de la prise en compte : appréciation souveraine des juges du fond
 
La Cour de cassation, après avoir rappelé que la Cour de justice a dit pour droit que le montant des droits constatés par la Douane est réputé pris en compte lorsque cette administration inscrit ce montant dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (CJUE, 26 oct. 2017, nº C-407/16, « Aqua Pro » SIA c/ Valsts ienemumu dienests), donne aussi raison à la cour d’appel d’avoir retenu que, pour justifier la prise en compte, la Douane « se borne à produire deux pièces intitulées "bordereaux", éditées le 5 octobre 2021, non numérotées, lesquelles n'établissent pas que la communication des droits ait été précédée de leur prise en compte ». Pour la Haute cour, la cour d’appel a usé de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, pour décider que la Douane ne rapportait pas la preuve que cette communication ait été précédée de leur prise en compte et en déduire exactement que la procédure était irrégulière.
 
Chronologie impérative de l’ex-CDC pour des droits antidumping définitifs institués par un règlement renvoyant à la réglementation douanière
 
Un autre moyen de la Douane à l’appui de son pourvoi contre l’arrêt de la cour d'appel de Lyon du 16 décembre 2021 précité concerne les droits antidumping qui, selon elle, n'ont pas à être pris en compte dans la comptabilité de cette administration préalablement à la communication de leur montant au débiteur. En revanche, pour la Cour de cassation, ce moyen n’est pas fondé.
 
D’abord, le règlement n° 1238/2013 instituant en l’espèce un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques originaires ou en provenance de Chine prévoit que, sauf indication contraire, les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables. Ensuite, la Cour de justice a dit pour droit, d'une part, que « la réglementation douanière dans son ensemble, telle qu'elle se trouve notamment concrétisée dans le code des douanes [Ndlr : alors communautaire, l’ex-CDC], n'est applicable à des droits antidumping que si les règlements instituant de tels droits le prévoient », ce qui est le cas du règlement concerné (CJUE, 22 mai 2019, nº C-226/18, Krohn & Schröder GmbH c/ Hauptzollamt Hamburg-Hafen), d'autre part, qu'il découle de l’article 221 (§ 1) de l’ex-CDC que la communication du montant des droits de douane au débiteur ne peut intervenir qu'après la prise en compte d'un tel montant, qui est elle-même définie à l’article 217 (§ 1) de l’ex-CDC comme l'opération consistant, pour l'autorité douanière compétente, à calculer ledit montant dès qu'elle dispose des éléments nécessaires. Enfin, et par conséquent, les droits antidumping provisoires, institués par le règlement (UE) nº 513/203, et dont la collecte définitive a été adoptée par le règlement n° 1238/2013 précité, « qui sont soumis aux dispositions du Code des douanes communautaire, doivent faire l'objet d'une prise en compte avant d'être communiqués au débiteur ».
Source : Actualités du droit